Parents, éducateurs, enseignants, comment accompagner les enfants "Haut Potentiel" ? par Magali Barcelo
Question de Vincent à Magali Barcelo, psycho praticienne spécialiste dans l’accompagnement des personnes HPI et HPE.
{Vincent] J’ai envie d’aborder le rôle des parents mais aussi des enseignants, des formateurs, toutes ces personnes qui sont amenées à être avec des enfants.
Comment peuvent-ils adapter leur façon de faire avec ces profils HPI ?
Magali Barcelo : c’est une grande question parce que je dirais, qu’aujourd’hui, c’est encore méconnu même si ça a beaucoup évolué ces dernières années. Il y a encore beaucoup de personnes qui ne savent pas de quoi on parle et qui pensent que si l’enfant est à haut potentiel, il est forcément très doué donc elles ne voient pas pourquoi elles s’intéresseraient à lui puisqu’il a tout pour lui. On est encore dans ce cliché hélas.
La façon dont se comporte les enfants, si on parle d’eux essentiellement, est parfois déroutante pour les professeurs, les professionnels de santé, pour les familles aussi parce que ces enfants-là ont des attitudes parfois d’adultes, ils ont des réactions très justes, ils peuvent répondre à un professeur pas de façon malveillante mais ils ont une telle attitude qu’ils retrouvent chez les adultes qu’on pourrait les croire insolents.
Donc, très souvent c’est mal perçu mais eux ne comprennent pas, ils n’ont pas le même code, ils n’ont pas les mêmes façons de réagir et ça peut leur poser de grosses difficultés car ils ne sont pas comme les autres. Chez les professeurs, certains sont sensibilisés sur la question donc sont top et savent vraiment tenir compte de leurs différences, trouver des solutions pour les aider à s’adapter, à s’ajuster, à faire en sorte que tout le monde s’entende bien. Il y en a d’autres qui ne veulent rien savoir ou qu’ils considèrent que c’est un autre métier, qu’ils ne sont pas là pour être des psys.
Mais ça évolue car beaucoup de professeurs notamment se forment pour comprendre, non pas pour les accompagner, ils ne vont pas devenir des psys du jour au lendemain mais au moins pour comprendre ce qu’il se passe dans ce profil et dans leurs difficultés d’apprentissage. Car comme ils vont très vite, ils vont évidemment plus vite que les autres car ils ont une rapidité de compréhension qui est différente mais ils ont aussi leurs difficultés.
Mon combat, s’il en est un, c’est qu’il ne faut pas seulement dire « comprenez les HPI, ils ne sont pas comme les autres, il faut les comprendre… ». Non, mon idée est aussi de dire aux HPI, « comprenez-vous, car vous aussi vous devez comprendre le monde et on a tous à se comprendre ». Il faut faire savoir cette différence pour que l’on unisse nos différences et que l’on en fasse quelque chose parce qu’évidement on a tous à apprendre des autres.
Cette particularité peut être géniale si effectivement elle est perçue comme telle
Magali Barcelo : surtout sur le plan relationnel. Mais elle peut être difficile surtout pour les parents qui ont des enfants comme ça et qui se rendent compte que ce n’est pas facile parce que les enfants ne font pas forcément comme tout le monde, ils ne vont pas réagir comme tout le monde. Je recommande de se documenter, d’aller écouter des conférences, de lire, de partager. Il y a des associations très intéressantes au niveau national. J’interviens souvent pour l’AFED (Association Française des Enfants Précoces) qui est devenue depuis peu l’AFEHP (Association Française des Enfants à Haut Potentiel). Il y a des antennes dans toutes les régions avec des activités très intéressante pour les parents, les enfants et les professionnels. Donc, ne pas hésiter à se documenter.
J’entendais que les enfants à haut potentiel peuvent être en difficulté scolaire donc ce n’est pas forcément ceux qui arrivent bien en classe. C’est quelque chose que vous avez remarqué ?
Magali Barcelo : C’est même très fréquent. Je n’ai plus les chiffres en tête mais une étude a montré qu’une grande majorité des hauts potentiels n’allaient pas jusqu’au BAC, ce qui ne veut pas dire qu’après, ils ne s’en sortent pas dans la vie parce qu’ils ont des capacités mais ils ont beaucoup de problèmes avec le système scolaire tel qu’il est aujourd’hui parce qu’ils sont très créatifs, parce qu’ils débordent, parce qu’ils sont très curieux, ils ont envie d’apprendre et le système scolaire n’est pas forcément bien adapté. Très souvent, on remarque que les enfants sont très brillants en début de scolarité, et à un moment donné, notamment autour du collège, ça change parce qu’ils font confiance à leurs capacités, à leur mémoire, ils apprennent très vite et il y a un moment donné où il faut faire des efforts car le programme scolaire d’aujourd’hui fait qu’il y a des choses à assimiler et si on ne fait pas d’efforts un minimum, ce n’est pas naturel pour tout le monde. Et là, les hauts potentiels se trouvent confrontés à de grosses difficultés car dans le coup, eux qui ont toujours été dans le peloton de tête se retrouvent en bas ou en tout cas en dessous et ils ne supportent pas, ne comprennent pas ce qu’il se passe. S’ils n’ont pas le soutien nécessaire à ce moment-là pour leur apprendre à apprendre, ça peut être catastrophique et ils lâchent. Il y a beaucoup de déscolarisation chez les profils à haut potentiel donc c’est une fausse idée de penser qu’ils sont des petits génies tout le temps. Il y en a certains mais pas tous.
Y a-t-il d’autres moments dans la vie qui deviennent des étapes plus difficiles pour des profils HPI ?
Magali Barcelo : je crois vraiment qu’il n’y a pas de généralités. Je crois que la période de l’adolescence est particulièrement difficile mais ça, pas que pour les HPI mais comme tout est amplifié, tout est plus difficile pour eux. En dehors de ça, ça va dépendre de plein de choses, ça va dépendre de leur façon de s’entourer, de leurs relations, de leur environnement, de leur éducation, de la structure dans laquelle ils évoluent, de la façon dont ils sont accompagnés dans cette différence. C’est vraiment tout ça qui va faire qu’à un moment donné, ce sera peut-être plus difficile. Sinon, c’est comme pour tout le monde. Il y a des périodes dans la vie qui seront plus faciles et plus difficiles que d’autres. Ils sont extrêmement sensibles donc forcément tout évènement de la vie va prendre des proportions astronomiques. Mais s’ils connaissent leur profil, ils vont pouvoir se laisser aller à leur émotionnel et se dire que voilà, ce n’est pas la fin du monde. Ils ont le droit de libérer leurs émotions et la vie continue.