C’est quoi être “HPI” ou “Zebre” ? Explication de Magali Barcelo
Question de Vincent à Magali Barcelo, psycho praticienne spécialiste dans l’accompagnement des personnes HPI et HPE.
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Pour commencer et bien poser les choses, que signifie HPI ?
Magali Barcelo : alors, HPI, c’est vrai que l’on en parle beaucoup à tord et à travers, c’est très médiatisé, tant mieux mais il est nécessaire de recadrer et comprendre véritablement de quoi il s’agit.
D’abord, cela signifie Haut Potentiel Intellectuel et c’est une réalité neurophysiologique, ce n’est pas quelque chose qui arrive par hasard, comme de la magie. Dans le cerveau des personnes concernées, l’amygdale, qui est au milieu du cerveau et qui régule nos émotions, est un peu plus importante que chez les autres personnes. Cette amygdale nous met en alerte, nous fait réagir et chez ces personnes-là, tout est amplifié. Les réactions sont plus grandes.
On a une plus grande capacité à réagir à ce tout ce qui nous entoure et à percevoir les choses. Il y a quelques années, d’autres études ont montré aussi qu’en plus de ça, il y a également des connexions neuronales plus nombreuses et plus courtes. Tous ces éléments font que les HPI ont une façon d’être, face au monde, différente de la plupart des gens.
Quelle est la différence entre HPI et HPE (Haut Potentiel Emotionnel) ?
Magali Barcelo : HPI et HPE, pour moi, il n’y a pas vraiment de différence. On entend surtout parler des HPE. J’ai même des clients qui viennent me voir en me disant qu’ils sont sûrement HPE mais pas HPI. Là, je souris parce qu’en fait, HPE n’est pas quelque chose qui est scientifiquement reconnu, étudié et posé alors que le profil atypique, le profil à haut potentiel, est mesurable par un test de QI. Donc, dire qu’on est HPE, c’est une façon de dire que l’on est hypersensible peut-être.
Aujourd’hui, c’est un des termes beaucoup utilisé pour décrire ce profil mais qui n’est pas suffisamment complet. La terminologie, c’est encore une autre question parce qu’
- on les appelle les HPI,
- utilise aussi le HQI, Haut Quotient Intellectuel.
- Maintenant, il y a le HPE qui vient au milieu mais si on est HPI, on est forcément HPE.
- Il y a donc les Zèbres, ça c’est très courant et ça a été très médiatisé.
- On parle de plus en plus de philo cognitif, ça c’est un peu plus récent. Un livre a été écrit à ce sujet.
- On peut parler aussi des Emotifs Talentueux dont un congrès en ligne a lieu chaque année à l’automne.
- On parle aussi beaucoup des multi potentiels car il s’agit de personnes qui ont tellement d’aptitude que si elles les développent, elles sont souvent capables de faire beaucoup de choses.
- On les appelait les caméléons car elles s’adaptent à toutes les situations
- Les sentinelles parce qu’elles sont capables de sentir les choses avant les autres et j’en passe…
- J’oubliais, il y a également les surdoués.
Ce n’est pas simple de s’y retrouver quand on ne connait pas le sujet.
Je reviens sur le Zèbre car en ce moment, on en entend beaucoup parler. D’où vient ce terme ?
Alors, le Zèbre c’est Jeanne Facchin qui est psychologuqe spécialiste sur le sujet depuis de nombreuses années, elle a écrit sur le sujet et qui a décidé de les appeler Zèbre, « drôle de zèbre ».
Je ne sais pas comment ça lui est venu mais c’est une excellente idée car elle s’est dit que les zèbres sont des animaux particuliers par rapport aux autres :
- ils se démarquent.
- Il s’agit d’animaux très sensibles
- très réactifs
- très agiles
- très rapides.
- Ils se déplacent toujours en groupe.
- Ils sont petits, ils passent partout
- et elle a dit « ils ont des rayures mais il n’y en a pas deux identiques ».
Elle a totalement raison. Elle a donc utilisé ce terme-là pour parler de ces profils et ça a permis une certaine médiatisation parce que c’est beaucoup plus facile de dire que l’on est un zèbre que de dire que l’on est un surdoué. Mais, en fait, on parle de la même chose.
Quelles sont les grandes caractéristiques principales d’un HPI ?
Magali Barcelo :
- d’abord, l’hyper sensibilité mais il faut savoir que 20% de la population est hyper sensible mais tous ne sont pas à haut potentiel. Par contre, on peut dire que tous les hauts potentiels sont hyper sensibles. Certains ont la capacité à cacher leurs émotions. Chez les HPI, il s’agit donc d’une hyper sensibilité émotionnelle, ils absorbent tout ce qui se passe autour.
- Il y a aussi une hyperesthésie, c’est-à-dire que tous les sens sont amplifiés, la sensibilité à la lumière, aux odeurs, aux goûts, aux bruits. Par exemple, un HPI au restaurant sera sensible aux bruits des assiettes, des serveurs, de la musique de fond… Il va être capable de suivre les conversations des 2 tables voisines en même temps que celle de sa propre table. Il va donc sortir du restaurant très fatigué. Je ne travaille plus qu’en distanciel depuis le confinement, mais quand je travaillais en présentiel, certaines personnes étaient très sensibles à mon diffuseur d’huiles essentielles qui faisait un tout petit bruit. C’était d’ailleurs devenu un premier test de haut potentiel. En tant que haut potentiel, il faut donc savoir tout ça car si on ne le sait pas, on va s’infliger des choses d’un niveau élevé de souffrance.
- Il y a également l’arborescence de la pensée. Ce n’est pas prouvé scientifiquement mais on sait que toutes ces personnes-là sont capables de beaucoup penser et très rapidement. En fait, ce qui est proéminent chez ces personnes, c’est leur capacité à faire des associations et donc une idée en fera venir une autre et encore une autre très vite. Ces hauts potentiels sont très créatifs, très originaux. J’ai des amis, quand je déjeune avec eux, j’en ressors fatiguée car on enchaine les idées très rapidement. Certains hauts potentiels partiront dans tous les sens et certains arrivent à recadrer. C’est d’ailleurs ce que met en avant Fanny Nusbaum dans son livre sur les philo cognitifs dans lequel elle parle de complexes et de laminaires. Il y a 2 profils, les complexes partent dans tous les sens, ils n’arrivent pas à structurer alors que les laminaires sont beaucoup plus carrés, plus rangés.
- Il faut prendre connaissance aussi des troubles associés chez les complexes. Il s’agit de dysfonctionnements comme la dyscalculie, la dysorthographie ou des troubles de l’attention. Donc là, forcément c’est plus compliqué pour eux.
- Il y a la vision globale des situations, ils sont très lucides, ce qui fait qu’ils sont perfectionnistes parce que lorsque l’on voit tout, forcément on essaye ce qui va aller et ce qui ne va pas fonctionner. Donc, ils ont envie d’aller dans le détail. Ce perfectionnisme peut être un atout comme une difficulté car ils sont très exigeants. La lucidité chez les enfants, on la retrouve par rapport à la mort. Ce sont des enfants qui très tôt, sont très conscients de la mort, parle de la mort. D’ailleurs, beaucoup d’adultes sont souvent choqués par cette attitude. Ces enfants sont généralement très angoissés.
- Ce sont également des personnes qui ont une excellente mémoire en général. Ils retiennent tout que ce soit auditif, visuel…
Il y a quelques mois, une série HPI a été diffusée. Ce que l’on a voulu mettre en avant, c’est la capacité à voir les choses en détails. Par exemple, comment cette femme sur une scène de crime a remarqué le tout petit détail que personne n’avait vu.
Ces caractéristiques ont des conséquences et l’une d’entre elles est que l’on pense que les HPI ont une bonne confiance en eux mais ce n’est pas le cas.
- En général, ce sont des personnes qui ont une très mauvaise estime de soi, un manque de confiance en soi. Ce sont des gens qui développent très souvent le syndrome de l’imposteur. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est quelque chose qui fait qu’on ne s’attribue pas ses talents et qu’on considère toujours que les autres sont meilleurs même quand on a de bons résultats. C’est du au fait que le HPI est perfectionniste, ce qu’il fait n’est jamais assez bien. Il est toujours dans l’insatisfaction et il y a le regard des autres. Souvent, les HPI sont empathiques, ils aiment les gens, ils aiment la relation et ils ne veulent surtout pas décevoir.
- Ils ont une peur terrible de l’échec. C’est vrai que tout le monde peut être empathique et peut avoir peur de l’échec mais chez les HPI, c’est toujours amplifié. On les appelle les « trop ». Il existe une terminologique qui me plait beaucoup, c’est un artiste qui, lors d’un congrès auquel j’ai participé, le disait « pour moi, ce sont des surdosés plutôt que des surdoués ».
Il faut quand même savoir qu’un HPI peut ne pas avoir toutes ces caractéristiques. On en retrouvera plusieurs mais certaines ne seront pas forcément présentes. Il faut se rappeler qu’il n’y a pas de hauts potentiels identiques, ils sont tous différents.